La fameuse “mention abeille” : une étiquette en voie de révision
Jusqu’à présent, de nombreux produits phytosanitaires — y compris certains biopesticides comme le Bacillus thuringiensis — arborent la mention “abeille”. Celle-ci indique que le produit ne doit être appliqué qu’en dehors des périodes de butinage, en théorie pour ne pas nuire aux pollinisateurs.
Mais cette mention est trop souvent mal interprétée, voire utilisée pour rassurer à tort. De nombreux applicateurs affirment qu’un produit portant la mention est inoffensif pour les abeilles… alors que ce n’est pas le cas dès lors qu’il est pulvérisé au mauvais moment.
Un ministre engagé, une loi sur le point d’évoluer
Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, a initié un virage réglementaire en annonçant la révision de cette mention dès mars, à la suite des travaux de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire).
Cette dernière a conclu que toute pulvérisation en journée, même de biopesticides, est nocive pour les abeilles, dont l’activité suit la lumière du jour. Même les traitements tôt le matin ou après une pluie peuvent être problématiques, les abeilles buvant dans la rosée ou dans les flaques résiduelles.
Bacillus thuringiensis et chenille processionnaire : oui, mais à la bonne heure
Utilisé pour traiter les jeunes larves de la chenille processionnaire, le Bacillus thuringiensis (Bt) est une solution biologique très populaire. Mais comme tout produit, il n’est pas neutre pour les insectes non ciblés.
Le Bt Kurstaki, souvent appliqué au printemps ou en automne, est concerné par cette réglementation. Il porte la “mention abeille”, et donc :
- Ne doit jamais être pulvérisé en pleine journée.
- Doit être appliqué à la tombée du jour, de préférence après 18h, quand les pollinisateurs sont retournés à la ruche.
- Ne doit pas être pulvérisé en présence de vent, de pluie ou de fortes chaleurs.
Professionnels : des pratiques à adapter
Pour les professionnels, ces nouvelles contraintes imposent une planification plus stricte des traitements. Les plages d’application se réduisent, les passages doivent être anticipés et réalisés en fin de journée. Certains prestataires devront revoir leurs méthodes pour rester dans le cadre légal tout en protégeant les auxiliaires utiles.
Particuliers : prudence, vous êtes concernés aussi
Beaucoup de jardiniers amateurs appliquent encore leurs traitements sans respecter les doses ou les horaires réglementaires. Or, doubler la dose ne double pas l’efficacité : cela ne fait qu’amplifier la pollution de l’environnement… et l’exposition de votre famille.
Certains résidus de produits phytosanitaires peuvent persister jusqu’à 5 ans dans les moquettes, tapis et textiles de la maison. Ce sont des perturbateurs endocriniens invisibles, transportés à votre insu depuis le jardin jusqu’à votre intérieur.
Alors, si vous utilisez du Bacillus :
- Respectez scrupuleusement les doses indiquées.
- Traitez uniquement à la tombée du jour, sur un feuillage sec.
- Pulvérisez uniquement le tiers inférieur de l’arbre si les chenilles ne sont pas montées plus haut. Inutile d’en faire trop.
Un enjeu sanitaire et écologique
La pollinisation par les abeilles représente près d’un tiers de notre production agricole. Leur rôle est central dans l’équilibre de nos cultures, de nos vergers et de notre environnement. Le cheptel apicole français est en forte régression, notamment dans le sud de la France où la pression chimique reste importante.
Protéger les abeilles, c’est protéger notre futur. Et cela commence par des traitements raisonnées, ciblés, et respectueux du vivant.